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vendredi 28 octobre 2016

Herbier de poésies, page 53




 
Voici une belle moisson autour du portrait réalisé par Arnaud.
Chaque texte nous touche et dévoile un regard singulier, et plus j’avance dans le temps de l’Herbier, plus je suis heureuse de vous lire. C’est vraiment un grand bonheur.
Goûtez, dégustez, prenez le temps et revenez-y, d’autant qu’il y a toujours des retardataires.

Aujourd’hui, je ne résisterai pas au plaisir de vous livrer ici les impressions de Serge autour de notre petite communauté. Elles feront, j’imagine, fourmiller de plaisir tous les brins qui la composent, n’est-ce pas ?

Mais tout d’abord, car il faut toujours que l’humour accompagne les choses les plus sérieuses, voici ces quelques mots de Mémée, à l’aise dans ses sabots et philosophe à ses heures :

(Je vous l’aurais bien enregistré si je savais intégrer un MP3 sans passer par youtube).

 



« C’est-y Dieu possible qu’on aime à c’te point là qu’on nous dise qu’on nous aime ! 

Mais dis-y voir toi, pourquoi faudrait-y qu’ça soye la honte que d’ rosir un p’tit peu quand c’te chose là arrive ? 

C’t’un peu comme dans la pub qu’on voit à la télé où c’qu’un drôle barbouillé d’chocolat, avec son air d’angelot tombé du paradis, nous dit comme ça :

                                           « C’est bon la honte ! » 

« Un peu qu’cest bon ! Où c’qui s’rait don l’plaisir si qu’on s’l’interdisait ? »





J'adore, cette hebdomadaire sollicitation de l'herbier de poésie :
comme un exercice périodique pratiqué dans un Dojo.
Une occasion,
un rappel du nécessaire essentiel.
Des mots, bien sûr...
Ce ne sont simplement que des mots,
mais qui conduisent au cœur,
qui défrichent à chaque fois ces chemins de l' infime cathédrale
d'où naissent tous les arts .
Serge De La Torre




Merci, Serge.





Ma Joconde...

C'est ma Joconde
À moi monsieur
Même si
Le Louvre
Lui sourit au nez...

C'est ma Mona Lisa
Ma gitane
Mon feu
Dans sa robe à volants
Qu'elle fait tournoyer
Au son des grattes...

C'est ma Joconde
A moi monsieur
Même si
Un de Vinci ne deviendrai,
On peut vivre
Sans richesse ni gloire
Allant fort aise
De cieux en cieux,
L'essieu grinçant
Comme une musique
A notre roulotte accrochée...








Elle te fixe, la belle, altière !
Et te sollicite,  
Avec cette force du destin nécessaire,
D’une décisive quémande.

Dans le gris du jour,
Vois, vois ! Les couleurs …
Elles lui sont un bouclier d’exotisme,
Un vif et éclatant triomphe.

Et le mouvement boit,
En galopantes  rafales,
Ce regard aveuglé,
Ce visage d’ombres,
D’intraduisible lumière :
Il s’offre, en un grain linéaire,
À la lecture des doigts.

Noble, guerrière ou femme drapée,
Le temps, comme le vent, glisse,
Sur sa tunique fauve :
Tu es le tendre ricochet
Sur l’eau d’un miroir.


D’autres peuvent bien passer,
Cueillant les fils de plus sombres alentours,
Le blanc pur des chimères crie,
Comme un rappel :

La vie se souvient :
À cet instant,
Il n’y aura jamais eu qu’elle.






Regards de femmes


Intriguée
Pas intrigante
Étonnée
Pas étonnante
Sourcils froncés
Ombrelles du regard
Je sens pourtant un léger souffle
L’étonnement l’a fait ciller des yeux
Elle existe dans le cœur du peintre
Et elle existe dans le regard que je lui porte
Elle, elle semble porter un regard simple sur le monde
Il ne m’est pas nécessaire de l’entendre
Puisque je peux lui donner la possibilité de vivre
juste en la regardant
Nos deux regards se croisent
Je la crois seule et perdue
Triste et désabusée
Ou peut-être révoltée
Elle s’approche de mon oreille
Je retiens mon souffle
« La douleur de mon regard raconte ma révolte »
Je la quitte des yeux
Je tourne mon regard
Lui donner vie m’a ramenée à la réalité du monde
Pour beaucoup la vie est combat.







Comme un baiser
Déposé
Sur ton front, petite fille
Tu en redemandais des Bisou-Papillon !








Inquiétude et doute
l'inconciliable se conjugue
en portrait de femme

Est-ce seulement possible ?
Elle a du mal à y croire

Son bouclier coloré
ne supprime
ni son appréhension
ni sa perplexité

Quelque chose la dépasse
sans un mot
son visage dévoile
l'incrédulité

Que peut donc lui renvoyer
le miroir de la vie ?








Tourné vers la vie
Tourné vers l'amour
Ton visage est gravé
Au plus profond de moi
Côté lumière et côté mystère
Les couleurs du temps l'ont marqué
Encore plus précieux qu'au premier jour

Face à la ville qui valse et gronde
Face au monde qui nous broie

Face au soleil quand il est là
Face au besoin vital
De laisser sa trace






Elle dévore des yeux
le camp qui part en fumée
parmi les débris

Elle dévore des yeux
les soubresauts de la terre
Secouer ruines sur ruines

Elle dévore des yeux
l'Amazonie éventrée
de champs de soja

Elle dévore des yeux
le blanchiment des coraux
dans l'eau du lagon

Elle dévore des yeux
les mille millions de carcasses
d'espèces vertébrées

Elle dévore des yeux
les milliers de corps humains
Sur les fonds marins

Les yeux dévorent le visage
épuisé par l'impuissance.



Avec en citation :

"Yes, 'n' how many times can a man turn his head,
Pretending he just doesn't see ?"
Bob Dylan, Blowin in the wind,1962

(Oui, et combien de fois un homme peut-il tourner la tête
En prétendant qu'il ne voit rien ?)








Regard d'ombre

Elle a posé son regard d'ombre
perdu
sous les ors du chemin.
En quête de paroles
paupières closes
sur le voile des souvenirs
elle avance lentement
vers l'amour.
Et l'on garde de sa présence
une lente traversée du brouillard
ce reflet timide du sourire
messager d'une respiration de joie.






Étonnée elle s'est retournée
Inquiète
Ce bruit des pneus qui glissent sur les feuilles mouillées
Un choc
Puis l'horreur d'un corps gisant sur la chaussée
Ses bras se croisent fortement enserrant son enfant sur sa poitrine
Rien jamais ne pourra lui arriver







Portrait miroir, regard de sphinx

Vertige d’un regard porteur de vérité où le monde s’anéantit, où la pureté de l’être, la fraîcheur de l’enfant gardien du temple annihile tous les désespoirs, gomme tous les refus, désamorce toutes les guerres.

La colombe n’est plus qu’une tache blanche sur la toile, éclat de lumière libéré de la forme.
Le geste d’une pensée s’envole et nous rejoint, questionnant. Peut-on lire un reproche dans la symbolique des formes du tracé d’un regard ou, plissant les yeux, une immense tendresse ?
Dans  son immobilité apparente, la vie bouillonne d’un monde où tous les devenirs sont possibles. C’est à nous, spectateur, voyeur, inquisiteur, mais surtout impétrant de le traduire par la voix juste, de créer en toute responsabilité ce qui nous doit advenir. Portrait miroir, regard du sphinx, celui qui doute chavire. Il chancelle, disparaît. Pour avancer, il nous faut repousser la terreur au bout de la nuit, nous affermir dans la pureté de l’âme telle une goutte d’eau enceinte du soleil.
« Passe, tu es pur ! » *
S’élèvera-t-elle cette voix des « Formes d’Éternité ?*»  Ouvrira-t-elle la voie au « lumineux d’aujourd’hui enfanté par hier ?*» S’il passe, il acquiert le pouvoir de donner la vie, la possibilité de poursuivre son chemin vers une autre porte pour déboucher un jour, fondu dans les formes divines, dans les champs de l’infini indéfini.

Le chemin des initiés se lit dans un regard d’enfant.




*En référence au merveilleux livre désormais introuvable : « La toute puissance de l’adepte » de J.Ch. Mardrus, traduction et exégèses des hauts textes initiatiques de l’Égypte ancienne.