Bienvenue dans l'Herbier de Poésies. Vers libres, prose poétique, expression libre des profondeurs de l’instant qui se dit sans rime ni métrique imposée. Mais aussi Haïku & famille favorisant le fond plutôt que la forme.
Rosa Bonheur, Le Marché aux chevaux, 1853, huile sur toile, 244 x 506 cm,
The Metropolitan Museum of Art, New York
1852, Paris. L’artiste Rosa Bonheur est attendue chez le ministre de l’Intérieur, le duc de Morny. L’enjeu est de taille : ce dernier souhaite lui commander un tableau au nom de l’État français. Le ministre ignore encore qu’il va regretter son choix…
En attendant, Rosa Bonheur est ravie de la commande. Elle a justement en tête de peindre le marché aux chevaux de Paris. Ce serait pour elle l’occasion de s’attaquer à une scène pleine de fougue et bien de son époque.
Mais quand elle lui propose l’idée, le duc de Morny n’est pas emballé. Jusqu’alors Rosa Bonheur a surtout peint de paisibles scènes de campagne. Il ne lui fait guère confiance pour réussir une telle œuvre...
L’artiste a beau insister, il lui commande plutôt une toile représentant le travail des champs.
"Ben voyons, une femme peindre le marché aux chevaux, je rêve !"
l'herbier :
Ah ! si vous saviez, Ministre...
Tant pis. La peintre, en parallèle du tableau pour Morny, se lance tout de même dans son projet personnel. Pendant un an, elle parcourt la foire aux chevaux et dessine tout ce qu’elle voit.
La mode féminine de l’époque n’étant pas très pratique, elle s’habille en homme. En plus, c’est parfait pour ne pas attirer l’attention !
Et en 1853, elle présente sa toile immense de 2,5 sur 5 mètres. C’est un triomphe !Rosa Bonheur a parfaitement retranscrit l’énergie et le tumulte du marché. Un critique a même l’impression que les chevaux se précipitent sur lui pour l’écraser.
Face au succès, le duc de Morny change d’avis : finalement, il veut Le Marché aux chevaux ! Trop tard, le tableau est déjà vendu. Il part même en tournée triomphale en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
Partout où il se rend, on se bouscule pour le voir, jusqu’à la reine d’Angleterre en personne. Le ministre a de quoi s’en mordre les doigts !
Désir de chevauchées débridées
dans des paysages où la paix arc-en-ciel ensemence la vie en joie et en
couleurs.
Il rêve.
Un autre, pour le
réveiller ? lui murmure à l’oreille ses envies de galops dans des paysages
sans frontière. Invitation à hennir jusqu’à l’infini de la lumière.
Deux crinières flottant jusqu’au
bord du ciel, ivres de libertés.
Le rêve.
De l’autre côté de leur monde, un
peintre les observe.
Il s’identifie à son œuvre.
Il se rêve cheval, assoupi dans
une apothéose mystique de formes et de couleurs.
Rêveur rêvé engendré par le rêve.
Quelques lignes se déforment.
Prémisses d’angles interrompant la courbe, évasion.
Il faut sortir du cadre !
Il faut sortir du cadre !
Il faut vivre la
transcendance.
Les pigments explosent, irradient
la feuille.
Les dimensions s’imbriquent.
S’évader !
Ne plus entendre ces grondements
annonciateurs de ténèbres.
L’éclat, il faut l’éclat.
Mais bientôt, un autre éclat. La
main vaincue déposera la brosse.
Ce sera le grand silence du sang
versé.
Et là, sur le papier, couché,
toujours rêvant, le petit cheval dort.
Je le regarde. Quelle
lumière ! C’est doux comme un regard d’enfant émerveillé.
Mais, couché sur le flanc, son
image m’évoque alors un tout autre sommeil.
Dehors le vent souffle sur ma
nuit blanche sa vaine tentative de me masquer les grondements d’un monde au
bord de la rupture.
Rejouerons-nous encore cette
partition de cauchemar si souvent interprétée jusqu'à l’écœurement ?
Le petit cheval dort et se
confond à l’herbe…
Mon cœur à la fois lourd et ouvert
s’incline ; j’accueille.
Ma seule puissance est l’abandon,
la vacuité de l’amour dans le non agir.
Il est des fraternités qui ne se
construisent pas sur les liens du sang.
Des fraternités qui ont la
couleur du feu, ou de la nuit profonde.
Il est des fraternités choisies
par l'oeil qui épouse les formes douces des collines violettes, la fougue du
cheval bleu, le panache du renard, ou la nostalgie de la note bleue en
demi-teinte.
Il est des fraternités qui n'ont
rien à voir avec les gênes d'un clan, qui se créent au hasard d'une rencontre,
ou à des siècles de distance.
Il est des fraternités plus
fortes que les liens du sang quand se révèle frère celui que l'on
attendaitle moins du monde sur sa
route ...
<< Une femme chaque nuit voyage en grand secret >> Paul Eluard.
<< Une femme ....
Elsa, la quarantaine, chausse ses lunettes. Elle est vêtue de son tailleur grenat en laine. Nous sommes au coeur de l'hiver ; la nuit va être froide. Soigneusement maquillée, ses cheveux châtain clair retenus sur la nuque par une large barrette d'écaille brune. Elsa saisit son répertoire téléphonique : sa mémoire lui fait parfois défaut. Il faudra que je mette ce numéro parmi mes privilégiés, se dit-elle, je gagnerai du temps en n'appuyant que sur une seule touche ! A la lueur de la lampe qui éclaire doucement sa modeste pièce de séjour, ses yeux d'un gris-bleu intense parcourent les numéros à la lettre C ... Voilà. Ses doigts experts composent 04 78 69? 58 57 ..... La voix qui coule dans son oreille amène sur ses lèvres un sourire de satisfaction. Elle enfile son manteau, se coiffe de son chapeau de feutre noir "kangoo", et s'emmitoufle dans son châle aux motifs fleuris. Elle enfile ses gants ....
<< Une femme chaque nuit .....
Elle jette un coup d'oeil à la pendule. Non, elle ne sera pas en retard. On ne l'attendra pas trop longtemps. Elle va pouvoir sauter dans le bus de 21h10, comme chaque soir Elsa se prépare à la rencontre quotidienne. Préparer son coeur se dit-elle, être attentive, complètement, oublier la journée et ses tracas. Les flocons de neige qui commencent à virevolter rafraichissent son visage, ses joues rosies par la chaleur intérieure.
<< Une femme chaque nuit voyage .....
L'autobus de 21h10, précis, s'arrête à la station Séverine. Il y a peu de monde à cette heure, et par cette saison. Elsa choisit toujours la même place. A l'avant. Près de la vitre gauche. Derrière le conducteur. Prêter toute son attention aux lumières de la ville lui permet de faire le vide dans sa tête et de mieux se préparer à la rencontre de chaque nuit. Parfois, quelque scène comique se déroule sur le trottoir que longe le véhicule. Un sourire amusé illumine alors ses traits fins. Bientôt, elle sera rendue à destination : la maison cossue, en banlieue. La grille en fer forgé quelle va pousser. Le jardin qu'elle va traverser. La porte éclairée qu'elle va ouvrir après deux coups brefs sur la sonnette, à droite.
<< Une femme chaque nuit voyage en grand secret ...
Personne, dans l'entourage d'Elsa ne connaît ce qu'Elsa va faire dans cette banlieue lointaine et déserte à cette heure. Elle ne souhaite pas en parler. C'est son jardin secret ..... Soudain elle se hâte. Quelques mètres à peine la séparent de l'arrêt où elle est descendue à la maison cossue Son coeur commence à vibrer du plaisir qu'elle éprouve à chaque rencontre. Même au coeur de cette nuit d'hiver rien n'a bougé. Au fil de chacun de ses voyages, seule la nature amène quelques changements qui rythment les déplacements d'Elsa : Il fait plus chaud, les arbres retrouvent leurs feuilles, les fleurs du jardin embaument ..... Elsa va tout à l'heure poser un baiser sur le front de la vieille dame qui l'attend, assise dans son fauteuil, sa couverture à carreaux rouges et verts couvrant ses jambes désormais inutiles. Elsa va lui raconter, par le menu, avec mille détails, la vie du dehors. Ce sera la valse des mots ... Les phrases entrecoupées de longs silences ... Rien ne bouge ...
Ce soir encore, Une femme chaque nuit voyage en grand secret.
Il y a des jours, il y a des nuits où la fenêtre de notre cœur pleure. Gouttelettes transparentes qui tracent dans le bleu nuit, des sillons vers le noir. Rides du temps qui plissent et mouillent le bleu ciel. Pastels tendres qui se diluent dans la poussière du temps. Et puis, il y a des jours il y a des nuits où l’horizon s’éclaircit, une lumière si douce si calme attire gouttelettes de pluie et fumées obscures pour lentement, un à un, effacer les barreaux de notre fenêtre, fenêtre qui s’ouvre alors, sur un monde éclairé et serein.
Sur la vitre la pluie a tracé
des crapauds griffus
au regard aveugle
derrière les barreaux veillent
des pieuvres flottantes
des vigiles masqués
armés de pieux
harnachés de lames
qui guettent leur proie
dans l'ombre bleutée de l'épouvante
Il pleut. Dans l’air froid et triste, le quotidien paraît sans saveur. Le regard, indifférent comme fixé au-dedans, retiré dans les profondeurs, accompagne les gouttes qui suivent sagement la loi de la pesanteur, se coller et glisser par la voie la plus rapide. Mais parfois, est-ce à cause du flot qui ralentit la course, une goutte hésite, dévie pour suivre un chemin parallèle, ouvrir une autre voie, explorer l’inconnu. Elle quitte le rail.
Mais déjà, dans l’univers limbique, le ballet hypnotique imprime ses images. Derrière le regard inconscient la vigilance est en éveil. Elle interprète, crée, s’abstrait de la routine, enfante la magie. Alors sur le carreau perlé de pluie, des chevaux d’écume pénètrent le champ visuel. Ce tsunami hippique exprime la métamorphose. Rêve d’une petite couseuse attendant son époux que quelques sirènes informes, à peine esquissées, retiennent par la voix dans l’univers épique d’un mythe. Là, la faim se cache, non « dans un champ pierreux » où grincer des mâchoires, mais dans un tourment d’ondes vomissant des démons prêts à dévorer le héros assoupi.
Le char des légendes Ovidiennes surgit, éclaboussant le matin. Il s’effacera au premier rayon du soleil.
Dans la chambre aveugle « Ulysse » poursuit son rêve, il dort. Il est trop tôt.
Dans la cuisine « Pénélope » attend, tout engluée de nuit. Devant son premier café, elle tente de s’extraire de ses limbes.
Un commentaire de "la vieille marmotte" que je signale, un lien à ne pas manquer si vous aimez Chopin et Georges Sand :
"À la lecture de cette riche page, à l'écoute de cette chanson de Roger Caussimon (j'aime) je me souviens des "Gouttes de pluie" de Chopin. Permettez-moi de partager un de mes articles rédigé en Juillet 2013. Belle la musique de Chopin. Intéressante la version de George Sand !"